Extrait : "Nanoscale investigation of the electrical properties in semiconductor polymer–carbon nanotube hybrid materials" Simon Desbief, Noémie Hergué, Olivier Douhéret, Mathieu Surin, Philippe Dubois, Yves Geerts, Roberto Lazzaroni and Philippe Leclère, 2012.
La Microscopie à Force Atomique (Atomic Force Microscopy " AFM ") est une technique permettant de visualiser avec une résolution nanométrique la morphologie tridimensionnelle de la surface d’un matériau, et de cartographier certaines de ses propriétés (adhésives, mécaniques, magnétiques, électriques, …). Cette technique permet l’observation des surfaces de tous types de matériaux solides (polymères, poudres, verres, textiles, fibres, échantillons biologiques, nanoparticules...) à l’air et en milieu liquide à pression atmosphérique.
Le principe de l’AFM repose sur la mesure des différentes forces d’interaction (forces de répulsion ionique, forces de Van-der-Waals, forces électrostatiques, etc…) entre les atomes de la surface de l'échantillon à observer et les atomes d’une pointe-sonde nanométrique, fixée sous un microlevier souple. Un faisceau laser, réfléchi sur la face arrière du microlevier et dirigé sur une photodiode 4 quadrants. La pointe balaye la surface et suit la topographie de l’échantillon, donnant une image tridimensionnelle du matériau analysé. Cette image permet en particulier de calculer les paramètres de rugosité.
La Figure 1 montre les images topographiques et électriques obtenues simultanément en C-AFM sur un film mince de P3HT déposé sur un substrat de verre patterné ITO. Une morphologie en forme de fibre est clairement observée dans les images topographiques et électriques. Notez la présence d'une zone dépourvue de P3HT près de l'électrode ITO (marquée par les flèches dans les Figures 1A et B). À cet endroit, le substrat de verre/ITO est exposé et un signal nul est mesuré dans l'image de courant, ce qui confirme que le flux de courant provient réellement du transport de charge dans le polymère semi-conducteur. Il est intéressant de noter qu'une intensité de courant similaire est mesurée, quelle que soit la distance entre la sonde et l'électrode ITO, comme l'illustre le profil de courant de la Figure 1C (aucune diminution significative de l'intensité du courant n'est observée lorsque l'on s'éloigne de l'électrode ITO). Ce signal de courant constant indique qu'aucune chute de potentiel ne se produit à travers le film de P3HT et au niveau du contact avec l'électrode. Les Figures 2A et B montrent des images de la morphologie typique obtenue par dépôt en "drop-casting" à partir d'une solution de P3HT:NTC. La Figure 2A montre un fond brun plan composé d'une couche dense et homogène de fibrilles de P3HT de 15 nm de large, comme illustré dans les encadrés. Une deuxième couche de fibrilles est ensuite observée, apparaissant en jaune/orange dans la Fig. 2A. Les fibrilles composant cette seconde couchesont orientées de la même façon que les fibrilles sous-jacentes, ce qui suggère qu'il existe une interaction entre les fibrilles pendant le processus de dépôt, conduisant à des fibrilles denses et orientées de manière homogène. La Figure 2A montre un nanotube de carbone courbé (apparaissant en clair sur la Figure 2A et surligné) et mis en évidence en rouge pointillé dans l'encadré de la Fig. 2B. Les fibrilles entourant le nanotube semblent être perpendiculaires à son axe, comme illustré dans l'encart de la Fig. 2B. Cette disposition particulière des fibrilles, perpendiculairement au nanotube, peut jouer un rôle dans le transport de charges dans ces films hybrides. La Figure 3A montre une image de courant C-AFM de 3 x 3 µm2 d'un film P3HT:NTC, la polarisation de l'échantillon en courant continu variant progressivement de 500 à -750 mV le long de l'axe. Le code couleur est le suivant : vert pour les valeurs de courant positives et rouge pour les valeurs de courant négatives, tandis que le noir correspond à un courant nul. La direction du courant est la même dans les nanotubes de carbone et dans la matrice de P3HT. Comme prévu, l'intensité du courant augmente avec la valeur absolue de la polarisation DC. Indépendamment de la polarité et de l'intensité de la polarisation, un courant plus élevé est mesuré sur les NTC que sur la matrice P3HT. Les courbes I-V extraites de la Figure 3A et tracées dans la Figure 3B pour les deux matériaux présentent un profil différent. Une dépendance linéaire est observée dans le cas des NTC (comportement ohmique) alors qu'un comportement asymétrique et non linéaire est observé pour le P3HT. Ces observations sont cohérentes avec les propriétés métalliques attendues des NTC et la nature semi-conductrice de type p du P3HT.
La caractérisation électrique montre également à l'échelle locale une réponse semi-conductrice pour le P3HT et métallique pour les NTC. L’AFM en mode conducteur permet de cartographier la distribution de courant sur des nanofibres individuelles de 15 nm de large. L'utilisation du C-AFM ouvre donc la perspective d'étudier efficacement la génération d'un photocourant suite à l'illumination d'une couche photovoltaïque organique active à l'échelle du nanomètre, c'est-à-dire exactement là où les phénomènes photophysiques se produisent réellement.